J'ai entrepris l'essentiel de ma formation dans le domaine de la pellicule, sur film négatif, et l'arrivée de la vidéo était mal vécue par les chefs opérateurs : les images étaient laides et compressées, les couleurs limitées, les pixels apparents, les parasites électroniques nombreux, et la gamme dynamique très étroite. Malgré ce que Sony tentait de nous faire croire, la vidéo n'arrivait pas à la cheville du négatif film, même en HD. La première caméra de cinéma numérique, la Viper FilmStream de Thomson, proposait une alternative intéressante. Conçue à l'origine pour l'armée, elle intéressa quelques chefs opérateurs un peu «geeks». On me proposa de la tester en conditions réelles, ce que je fis à l'occasion d'un tournage avec une ribambelle d'enfants. Il fallait pouvoir laisser tourner la caméra longtemps, tout en assurant une qualité picturale de cinéma. Le tournage fut riche en émotions fortes, de nombreux beaux plans ont disparu à jamais lorsque le système d'acquisition, basé sur Windows, plantait sans pitié au beau milieu de plans complexes. Malgré ses bugs et son prix, cette caméra était très prometteuse. Mais Thomson n'est jamais parvenu à transformer l'essai : c'est Jim Jannard, ancien boss d'Oakley et passionné de caméras, qui a ouvert la brèche en proposant une caméra huit fois moins chère que la Viper, la RED. Puis l'allemand ARRI a suivi le mouvement, en proposant ses ALEXA à Hollywood. Aujourd'hui encore, certains cinéastes comme David Fincher (Mindhunter), James Cameron (« Avatar ») ou Peter Jackson (« Le Seigneur des Anneaux ») préfèrent les RED aux ALEXA, et les partisans des deux camps se livrent à une guerre de religion. Mais une chose est sûre: nos métiers ont irrémédiablement changé, et pour le meilleur.
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