Après une demi-heure de voyage à bord de l'hélicoptère, la silhouette du bateau apparaît, se découpant sur la mer calme qui luit au soleil d'automne. Avec sa tour de 70 mètres de haut traversée par d'innombrables tuyaux, il ressemble davantage à une plateforme pétrolière qu'à un navire d'expédition scientifique. Dès la descente sur l'héliport, David Taylor, chef de la sécurité du navire, tend une main accueillante: «Bienvenue à bord du Chikyu [la Terre]!» Cet immense navire de forage de 56000 tonnes — à titre de comparaison, le Titanic en faisait 46000 — a quitté début octobre le port de Shimizu au centre du Japon pour s'ancrer dans cette zone à 75 kilomètres au large de la péninsule de Kii. Il entame ainsi la phase culminante d'un projet exceptionnel lancé en 2007. Objectif: forer jusqu'à la profondeur record de 5200 mètres sous les fonds marins pour atteindre la zone où la plaque tec-tonique de la mer des Philippines s'enfonce sous celle d'Eurasie: la faille de Nankai. Les scientifiques mandatés par l'Agence japonaise pour la science et la technologie marines et terrestres (Jamstec) espèrent ainsi que les échantillons de roche remontés livreront les secrets de cette mystérieuse zone qui génère des tremblements de terre de magnitude 8 tous les 100 à 150 ans... Rappelons que celui de Tohoku - causé par une autre faille — à l'origine du tsunami qui a dévasté la centrale de Fukushima en 2011, était de magnitude 9. Un tel événement risque donc — d'ici à trente ans — de dévaster la côte pacifique de l'archipel et surtout la région de Chukyo, peuplée de 9 millions de personnes et cœur industriel du Japon. Ce que les autorités japonaises redoutent et veulent à tout prix anticiper.
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